Au Canada, les compagnies d’assurance ont payé 75 % plus de règlements en santé mentale en 2021 en comparaison avec 2019 [ACCAP], bien que les demandes de règlement d’invalidité incluant un volet de santé mentale soient à la hausse depuis bon nombre d’années. L’Empire Vie a collaboré avec The Claim Lab pour créer un outil permettant de préciser son analyse prédictive et l’approche de saisie des indicateurs de santé mentale. L’Empire Vie était le premier assureur au Canada à collaborer avec The Claim Lab. Dans ce blogue, Michelle Cortes, notre directrice de produits pour l’assurance invalidité de longue durée, reçoit en entrevue Ian Bridgman, directeur général de The Claim Lab, et Steve Higgins, qui supervise la gestion des demandes de règlement d’invalidité à l’Empire Vie, afin de discuter de la manière dont The Claim Lab nous aide à gérer les demandes de règlement en santé mentale.
Michelle Cortes : Monsieur Bridgman, vous avez récemment affirmé qu’il n’existe aucune corrélation entre la durée d’un règlement et le temps qu’il faut au corps humain pour se rétablir. Comment cela est-il possible?
Ian Bridgman : Cela peut paraître extraordinaire, mais la gestion d’un règlement peut s’avérer beaucoup plus complexe que de simplement aider une personne à se rétablir d’un problème de santé. Nous le constatons encore et encore : un assureur reçoit deux demandes de règlement semblables de la part de personnes ayant reçu un diagnostic semblable et qui présentent un état semblable (même âge, même profession, même sexe et même province), mais la gestion de chaque cas se déroule de manière très différente. Le premier cas pourrait se résoudre rapidement, tandis que le second pourrait s’éterniser. Pourquoi? Pourquoi le traitement d’un état de santé comme une lésion dans le bas du dos serait-il si différent d’une personne à l’autre?
En faisant des recherches, on pourrait découvrir que le demandeur qui est demeuré en arrêt de travail pendant longtemps a en fait un problème de dépendance aux analgésiques. Peut-être que cette personne déteste son patron et son emploi et que retourner au travail est la dernière chose qu’elle souhaite faire. Cette personne vient peut-être de traverser un divorce, ou elle pourrait devoir s’occuper d’un enfant malade à la maison. Tous ces « peut-être », entre autres, sont ce qui complique la situation d’une personne et qui crée autant de différence dans le traitement des règlements. Ainsi, lorsqu’on se penche sur le volet médical, on constate que l’état de santé lui-même a de moins en moins de poids dans le rétablissement de la personne au fil du processus de règlement.
Les professionnels de la santé mesurent le rétablissement sur une période d’environ six mois. Si une invalidité de courte durée se transforme en invalidité de longue durée, il est fort probable que des facteurs externes entravent le rétablissement de la personne concernée. Oui, certains problèmes de santé graves exigent une période de règlement longue. Cependant, s’il était question à la base d’une affection simple comme une tendinite ou une hernie et que l’invalidité se prolonge, il y a forcément autre chose en jeu.
L'incidence de la santé mentale au Canada
Michelle Cortes : C’est précisément ce que le questionnaire qu’a mis sur pied The Claim Lab permet de mesurer. Comment vous êtes-vous lancés dans ce projet?
Ian Bridgman : Quand nous avons commencé à travailler sur l’analytique des règlements, nous nous servions de données historiques existantes pour prévoir comment un nouveau règlement allait se dérouler. Initialement, nous croyions que « parce que d’autres règlements se sont déroulés d’une certaine manière, d’autres règlements allaient se dérouler de la même manière ». Cependant, cette théorie avait des lacunes, puisqu’elle se fondait trop sur l’expérience passée. Nous avons réalisé que ce que nous souhaitions réellement accomplir était de contrôler la source des données et de démêler toutes les différentes circonstances qui pourraient affecter une personne. Ainsi, nous avons élaboré notre questionnaire afin de relever tous les facteurs externes qui pourraient entrer en jeu. En résumé, notre objectif était d’augmenter la fiabilité de nos prédictions relativement à ce qui est susceptible d’affecter un demandeur.
Michelle Cortes : Nous nous servons du questionnaire de The Claim Lab depuis près de cinq ans déjà. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs et à nos lectrices comment il fonctionne?
Ian Bridgman : L’Empire Vie fait parvenir le questionnaire à une personne en arrêt de travail avant sa toute première rencontre avec son gestionnaire des règlements. De la sorte, toute l’information contenue dans le questionnaire peut servir lors de la première rencontre. C’est à ce moment que le gestionnaire des règlements apprend à connaître le demandeur, se familiarise avec la situation et essaie de déterminer la manière la plus efficace d’aider cette personne. C’est également à ce moment qu’il essaie de relever les problèmes dans les antécédents du demandeur qui pourraient influer sur le cours de son rétablissement. Le fait d’avoir accès à cette information à l’avance grâce au questionnaire est extrêmement précieux. En effet, cela permet de gagner beaucoup de temps et d’assurer que toute l’information est colligée.
Michelle Cortes : Est-ce que cela signifie que chaque personne reçoit le même questionnaire?
Ian Bridgman : Oui. Par ailleurs, le questionnaire est adaptatif. Ainsi, lorsqu’une personne répond d’une certaine manière à une question, nous pouvons approfondir pour obtenir de l’information additionnelle. Les questions de base sont les mêmes, mais le profil de réponse peut grandement varier entre une personne qui souffre d’un grave problème de santé mentale et une personne qui souffre d’un trouble physique important. Le sommeil est un autre exemple. En effet, le sommeil est un sujet fascinant, puisqu’il existe une très forte corrélation entre le manque de sommeil et la dépression. En fait, il s’agit de l’un des facteurs déterminants du diagnostic d’une dépression caractérisée. Ainsi, la première question est : « Combien d’heures dormez-vous la nuit? » Si la réponse nous en révèle trop ou trop peu, nous approfondissons la question pour obtenir de l’information additionnelle.
Michelle Cortes : Comment savoir si les résultats sont fiables?
Ian Bridgman : Voilà une excellente question. Dans le cadre de la conception du questionnaire, nous avons collaboré avec des psychologues comportementalistes qui nous ont aidés à mettre en pratique les principes de la science des enquêtes pour structurer nos questions de manière à assurer la fiabilité des résultats. Évidemment, nous analysons également les résultats des processus de règlement, soit l’issue de la demande de règlement, sa résolution, sa durée, etc., ce qui nous permet de jeter un regard nouveau sur le questionnaire rempli au début du processus afin de repérer les questions les plus prédictives. Nous recevons les données sur les résultats des règlements dans chacun de nos projets, et il s’agit d’une partie cruciale du processus, car elle nous permet de boucler la boucle et de valider nos algorithmes de notation. En effet, c’est grâce à cette analyse que nous pouvons confirmer que les résultats du questionnaire sont fiables. Parallèlement, cette façon de procéder nous a aidés à guider l’Empire Vie quant à ses forces en gestion des règlements ainsi qu’à ses possibilités de perfectionnement pour l’avenir.
Michelle Cortes : Pouvez-vous décrire la manière dont l’information recueillie au moyen du questionnaire est employée?
Ian Bridgman : Fondamentalement, ce que nous tentons de faire est de trouver de meilleures façons de concevoir des plans de retour au travail pour les personnes en processus de règlement, et cette vision à 360 degrés nous aide à y parvenir. Les gestionnaires de règlements n’ont pas accès à des ressources illimitées; ainsi, ils doivent mobiliser les ressources pertinentes au bon moment afin d’avoir la plus forte incidence possible. Adopter une approche scientifique dans la gestion des règlements est par ailleurs l’objectif. En effet, bien qu’il s’agisse d’un domaine marqué par la souplesse et l’empathie, la gestion des règlements devrait également se fonder sur des données et une approche cohérentes.
Steve Higgins : Le taux de réponse à notre questionnaire est extrêmement élevé; il surpasse les 80 %. Compte tenu du fait que le questionnaire n’est pas obligatoire, ce taux est particulièrement encourageant. Le temps de réponse est également rapide, soit 1,4 jour pour les employés, et 3,5 jours pour les employeurs. Ainsi, nous pouvons rapidement survoler les grandes lignes de la demande de règlement avant de rencontrer la personne en arrêt de travail. Nous avons également découvert que notre questionnaire est très utile dans l’identification des facteurs psychosociaux non définis dans les formulaires de santé que nous recevons avec la demande de règlement. J’entends par là que le questionnaire permet une exploration et une notation systématiques de facteurs comme le désir de retourner au travail, la situation financière, la situation domestique (la présence de soutien social est un signe positif, tandis que le manque de soutien social peut s’avérer un problème), la santé mentale et le sommeil. Ces données nous aident à isoler aisément les cas qui nécessiteront peu de gestion de notre part ainsi que ceux où la personne aura besoin de beaucoup d’aide afin de surmonter les entraves qui l’empêchent de retourner au travail.
Les réponses au questionnaire nous permettent également de repérer rapidement toute lacune dans la relation entre l’employeur et l’employé, ce qui est très utile. Par exemple, si le questionnaire de l’employeur est très linéaire (réponses typiques et aucune inquiétude), nous pourrions décider de sauter complètement l’entrevue téléphonique avec l’employeur et de nous consacrer entièrement à l’employé. Comme l’a mentionné M. Bridgman, notre objectif est de repérer les entraves et de les franchir. Ainsi, nous nous servons des réponses au questionnaire pour personnaliser nos entrevues téléphoniques et mieux comprendre les obstacles afin de pouvoir fournir à la personne en arrêt de travail le type d’aide dont elle a besoin à ce moment précis et, par le fait même, écourter la durée du processus de règlement.
Michelle Cortes : Pouvez-vous nous donner un exemple concret de l’aide qu’apporte le questionnaire?
Steve Higgins : Dans le passé, j’ai géré le règlement d’une personne qui avait subi une blessure dans un accident d’automobile. Au départ, le cas semblait assez typique, mais les résultats de The Claim Lab ont révélé quelque chose d’inattendu, soit que cette personne souffrait depuis longtemps de problèmes de santé mentale. Cela allait présenter un obstacle majeur dans la planification d’un retour au travail durable. Pour surmonter cette embuche, nous avons rapidement mis en place diverses stratégies de gestion de l’invalidité, notamment la thérapie cognitive du comportement. Comme vous le savez, cette forme de thérapie est un traitement psychologique axé sur la modification des schémas négatifs de pensée et de comportement dans le but d’améliorer les résultats en santé mentale. La thérapie cognitive du comportement se fonde sur l’idée que les schémas de pensée négatifs peuvent contribuer aux problèmes de santé mentale comme l’anxiété et la dépression, et que la modification de ces schémas permet aux personnes d’améliorer leur bien-être émotionnel. Cette forme de thérapie s’est également avérée efficace dans le traitement d’une vaste gamme de problèmes de santé mentale comme le trouble anxieux, la dépression, le trouble de stress post-traumatique et le trouble obsessionnel compulsif. Puisque nous avons aidé la personne à gérer sa santé mentale pendant la guérison de son corps, elle a réussi à se rétablir complètement - de corps et d’esprit - et à retourner au travail de manière durable.
Ian Bridgman : Voilà un excellent exemple de cas que nous observons régulièrement. C’est ce que nous appelons « le trouble de santé mentale non avoué ». On pourrait croire que moins de préjugés entourent la santé mentale de nos jours en comparaison avec le passé, mais encore beaucoup de gens sont très réticents à parler de leur santé mentale. Cela est particulièrement vrai en contexte de travail, car les gens craignent que la compagnie d’assurance révèle l’information à leur employeur. Les assureurs ne font rien de tel, mais la crainte persiste. En outre, certaines personnes n’aiment pas parler du fait qu’elles sont déprimées ou anxieuses, car elles croient que cela est un signe de faiblesse. En tant que société, nous avons encore beaucoup de travail à faire pour réduire les préjugés liés à la santé mentale. Finalement, qu’il soit question d’une entorse ou d’un accident de voiture, les données que nous recueillons nous aident à repérer les troubles de santé mentale sous-jacents même si ceux-ci sont masqués ou secondaires.
Michelle Cortes : Pour changer un peu de sujet, pouvez-vous nous parler des nouveaux projets sur lesquels vous travaillez?
Ian Bridgman : Eh bien, notre projet de questionnaire demeure toujours passionnant. Lorsque nous avons lancé ce projet, il était principalement axé sur les problèmes psychosociaux ainsi que sur l’accès à des sources de données plus vastes et plus cohérentes. Cependant, aujourd’hui, que cela soit dû à la « période postpandémique » ou peu importe, nous oscillons toujours autour de discussions entourant les règlements en santé mentale. Il s’agit d’un problème majeur au Canada, aux États‑Unis, en Australie… Qu’importe où on tourne le regard, la santé mentale est au sommet des priorités.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous apprêtons à nous lancer dans un projet de recherche de grande envergure sur les règlements en santé mentale. Nous souhaitons nous pencher sur les manières d’identifier ce type de cas dès le départ. Nous voulons également déterminer les manières les plus efficaces de mener à bien les règlements en santé mentale, puis observer les résultats afin d’optimiser nos méthodes de traitement. Il ne s’agit pas simplement de dire : « Cette personne est déprimée, donc, voici comment traiter son cas ». En effet, la personne en question pourrait souffrir d’un problème musculosquelettique en plus de sa dépression. Dans un tel contexte, traiter le règlement comme un cas de cancer pourrait même s’avérer la meilleure chose à faire. Ainsi, il nous faut comprendre quel est le moyen le plus efficace de mener à bien les règlements et, pour ce faire, nous avons besoin de beaucoup de données. Ce projet sera énorme pour nous.
Michelle Cortes : Récemment, les nouvelles ont regorgé d’histoires sur Geoffrey Hinton, le « parrain de l’intelligence artificielle », qui aurait quitté Google en exprimant des mises en garde relativement aux dangers à venir. Comment croyez-vous que l’IA contribuera à la gestion des règlements d’invalidité à l’avenir?
Ian Bridgman : Eh bien oui, voilà une question intéressante, mais je crois que l’ensemble du sujet est un peu surmédiatisé à l’heure actuelle. En effet, les médias débordent de contenu sur l’IA. Je me rappelle, il y a de cela plusieurs années, quand l’IA visait principalement l’automatisation du travail de bureau. N’est-ce pas? On parlait à l’époque que cela allait entraîner un changement de l’environnement de bureau, car tout allait devenir automatisé. On peut dire que cela s’est produit dans une certaine mesure, mais l’IA n’est fondamentalement qu’un outil intelligent que nous pouvons exploiter en science des données. Il existe des moteurs d’intelligence artificielle très sophistiqués sur le marché, mais, dans notre domaine, ce vers quoi nous devons réellement tourner notre regard est l’obtention de meilleures données. Bref, il est vrai que l’IA peut nous fournir des outils intelligents pour analyser les données que nous recueillons, mais nous devons nous assurer qu’il s’agisse des meilleures données possible. Par exemple, si un gestionnaire de dossier consulte le rapport du médecin et recopie un diagnostic inexact dans son système, tout le travail est en vain. C’est aussi fondamental que cela. Nous devons d’abord nous assurer que les données soient exactes et, par la suite, nous pourrons accomplir de grandes choses lorsque nous commencerons à traiter le règlement. J’en reviens au pouvoir du questionnaire lui-même.
Michelle Cortes : Vous avez mentionné plus tôt une flambée des demandes de règlement en santé mentale. Selon vous, où s’orienteront les tendances à l’avenir?
Ian Bridgman : J’aimerais pouvoir dire que les tendances seront à la baisse, mais je ne crois pas que ce sera le cas. Nous devons apprendre à gérer les choses de manière plus sophistiquée qu’à l’heure actuelle. Nous parlons de règlements complexes. Eh bien, je crois que les règlements ne feront que se complexifier au fur et à mesure que la vie se complexifiera. Les tensions et les contraintes de la période postpandémique s’atténueront-elles? Je l’ignore. Est-ce qu’une nouvelle difficulté nous tombera sur la tête et compliquera la vie encore une fois? Les employeurs pourraient s’engager davantage dans la création d’un milieu de travail sain sur le plan psychologique, et, en tant que personnes, nous pourrions également accroître notre conscience de notre propre santé mentale et nous familiariser avec les techniques qui nous aideront à résister efficacement au stress.
Pour ce qui est des manières dont les employeurs peuvent mieux gérer leur personnel, un changement de cap s’impose en quelque sorte. En effet, des données pertinentes montrent que certains employeurs offrent des accommodations au travail à leur personnel et créent le bon environnement pour soutenir leur retour au travail après un arrêt. Cela va dans le sens de l’ensemble de la société. Nous devons améliorer notre façon d’envisager le soutien en santé mentale. Qu’en pensez-vous, monsieur Higgins? Je suis persuadé que vous êtes constamment confronté à cette question.
Steve Higgins : Je suis d’accord et je dirais qu’aujourd’hui, nous ne voyons plus de règlements qui ne présentent qu’un seul niveau de diagnostic. Chaque règlement renferme une certaine composante de santé mentale, qui n’est pas forcément typique d’un sexe, d’une région ou d’un pays en particulier. Tous les règlements renferment cette composante. Je crois qu’il serait à l’avantage des employeurs de devenir proactifs dans l’identification des problèmes de santé mentale et de mettre des ressources à la disposition de leur personnel.
Ian Bridgman : C’est vrai. J’aimerais croire qu’un jour, les gens pourront parler ouvertement de leur dépression ou de leur anxiété récurrente de la même manière que nous parlons sans difficulté de problèmes de dos aujourd’hui. Nous n’en sommes pas encore là. Une personne affirme être en dépression nerveuse, et son entourage lui répond « Oh mon Dieu! » Eh bien oui, cela arrive, et la dépression peut revenir au même titre qu’un mal de dos récurrent. Les employeurs ont encore beaucoup de travail à faire afin de créer une culture de soutien qui va au‑delà des initiatives de « mieux-être », qui semblent parfois « greffées » sur la culture préexistante de l’entreprise.
Michelle Cortes : Nous trouvons-nous à un point d’inflexion dans notre manière de structurer le travail? La pandémie a-t-elle influé sur cela, ou a-t-elle accéléré les choses? J’ai récemment lu que Microsoft au Japon avait adopté la semaine de travail de quatre jours (de manière non comprimée), et qu’elle avait réalisé un gain en productivité de 40 %. Je me demande si la nouvelle génération ne serait pas en train de revenir aux façons de travailler du passé. Avez-vous constaté quelque chose à ce sujet?
Ian Bridgman : Voilà une question intéressante. Nous recevons assez souvent des demandes de règlement incluant un diagnostic de dépression ou d’anxiété mineure comme diagnostic principal. Ensuite, nous commençons à fouiller, et nous découvrons que la personne n’est pas réellement invalide. Rappelez-vous : la dépression et l’anxiété sont fondamentalement des symptômes, et non le problème qui devrait véritablement être diagnostiqué. Ainsi, plus nous approfondissons nos recherches, plus nous relevons d’autres facteurs qui constituent la cause véritable. Dans la plupart des cas, cette cause se trouve à être l’environnement de travail. En effet, nous découvrons que la personne n’aime pas son emploi et qu’elle croit que la meilleure issue est une demande de règlement en invalidité, quand elle devrait plutôt se regarder dans le miroir et se dire « J’ai besoin de changer d’emploi. Je dois trouver un poste qui me convient, et je dois trouver du bonheur dans mon travail ». Si les gens commençaient à réaliser cela, je crois réellement que le résultat serait positif pour tout le monde.
Steve Higgins : La pandémie nous a enseigné de nombreuses leçons importantes. Ici, à l’Empire Vie, nous n’étions pas d’avis qu’il aurait été réaliste de faire travailler notre personnel à distance. Cependant, quand la pandémie a frappé, je crois que nous avons réalisé les nombreux avantages du travail à distance. Nous avons par ailleurs découvert que nous n’avons pas besoin d’un bureau traditionnel pour fournir nos produits et nos services. Certaines personnes s’épanouissent parfaitement dans le travail à la maison et, avant la pandémie, nous n’aurions jamais cru cela possible. Ainsi, je suis d’accord à 100 %. Nous sommes en période de changement, et le bon changement est en train de s’opérer.
Michelle Cortes : Tandis que nous approchons de la fin, quels conseils donneriez-vous aux conseillers et conseillères et aux promoteurs de régimes en termes de diminution des coûts des règlements d’invalidité?
Ian Bridgman : Je suggérerais des éléments tirés de tout ce dont nous avons parlé jusqu’à maintenant. Il faut fournir un environnement de soutien aux membres du personnel, sans le faire pour « cocher une case », mais bien par sincérité. Offrir des programmes uniquement pour agrémenter sa gamme d’avantages sociaux ne suffit plus. Il est nécessaire de respecter ses promesses et de tenir ses engagements. Je crois que cet élément s’avérera très important tandis que nous continuerons d’avancer. Nous avons besoin d’une direction authentique et d’une culture organisationnelle saine, et non seulement de programmes.
Je crois également que nous devons approfondir notre compréhension de ce qui se passe en milieu de travail. J’ai notamment songé à intégrer le questionnaire dans le milieu de travail afin qu’il ne soit pas uniquement administré à l’étape du règlement. De la sorte, l’Empire Vie pourrait demander à un client potentiel de remplir le questionnaire avant de commencer à faire affaire avec lui. « Qu’est-ce qui se passe dans cette entreprise? Quel est le niveau de stress dans cette organisation? Comment l’entreprise est-elle véritablement gérée? » En effet, cela aurait une incidence marquée sur le rapport sinistres-primes. Pourquoi ne pas calculer le risque avant de le prendre?
Michelle Cortes : Qu’en pensez-vous?
Steve Higgins : Je crois qu’il s’agirait d’un outil très utile. Ce serait génial. De plus, si l’on reparle de la proactivité des employeurs dans leur approche, je crois qu’il sera essentiel pour ces derniers d’exploiter des stratégies de gestion de l’invalidité comme la sensibilisation à la santé mentale, des programmes d’aide en santé mentale aux employés ainsi que des interventions précoces, c’est-à-dire avant qu’une demande de règlement ne soit soumise. La prévention est la clé. Nous devons redoubler d’efforts.
Michelle Cortes : Merci à vous deux.
- CAMH (Centre de toxicomanie et de santé mentale), Workplace Mental Health: A Review and Recommendations, 2020.
- Statistique Canada, Enquête sur la COVID-19 et la santé mentale, 2021.
- Benefits Canada, Enquête de 2021 sur les soins de santé.
- CAMH, Mental Illness and Addiction: Facts and Statistics, consulté en février 2022.
- CAMH, ouvrage déjà cité.
- Gouvernement du Canada, Données sur le suicide au Canada, consulté en février 2022.
- CAMH, Workplace Mental Health, consulté en février 2022.
- CAMH, ouvrage déjà cité.